طلب من بعض القراء الذين يريدون الإحالة إلى بعض مقالات مجلة تيتيس، نضع على موقعنا شيئا فشيئا ما يمكن أن نوفره لهم سواء بوضع كامل العدد على الخط أو المقالات المطلوبة إن هي متوفرة في أرشيف الجمعية
وهذا مقال باللسان الفرنسي في العدد المزدوج 5-6 (للسداسيين الأول والثاني من سنة 2004)
Sur la demande de plusieurs amis de le revue Thétis, nous procédons à une tentative de regroupement de tous les textes publiés dans la revue, en vue de leur diffusion électronique. L’opération étant longue et mobilisatrice, nous mettons donc en ligne les articles disponibles de chaque volume publié et nous actualiseront le contenu en fonction de l’évolution de la collecte.
Pour tout besoin de référence, une photocopie de l’article peut être fournie par l’association éditrice, l’ACAM (thetisacam97@gmail.com ).
Ici, c’est le sommaire et d’édito de la partie française du numéro double 5-6 de l’année 2004 (2 semestres), ainsi que les articles disponibles par voie électronique (sur fichier PDF):
Thétis / N° double 5-6
(1er semestre & 2ème semestre 2004)
Partie française :
SOMMAIRE
+ L’événement méditerranéen (Mansour M’henni) – 3
+ Le corps de la langue (Assia Belhabib) – 7
+ Khemayed At-Tarnan. Maître ou disciple (Naoufel Benaïssa) – 15
+ Le One man show en Tunisie (Kamel Ben Ouanès) – 23
+ Talismano ou le dialogue des genres (Sanae Ghouati) – 29
+ Absence du sacré dans Les Hommes oubliés de Dieu d’A. Cossery ? (Maha Gad El Haq) – 37
+ Naqiçatu aqlin wa dîn. Une compréhension du hadith par-dessus les mots ? (Hayat Ben Charrada) – 43
+ A propos de Créencontres (Héla Ouardi) – 49
+ La Nuit d’Abou’l-Quassim (Salah Stétié) – 55
+ Le transculturel et la tolérance (Hédi Bouraoui) – 59
+ Le spectaculaire dans l’expérimentation des arts (Hafedh Djedidi) – 67
+ Dans la tourmente : une liturgie scénique et musicale pour un chant de liberté (Ilda Thomas) – 75
+ Désir et subversion dans les Mille et une nuits (Fredj Lahouar) – 83
+ Mégalithe (Joe Friggieri) – 95
L’événement méditerranéen :
D’UNE ANNEE A L’AUTRE … LES MORTS ET LES AUTRES
Par Mansour M’HENNI
2004 aura été sans doute une année comme les autres en matière d’événements méditerranéens, mais l’un de ces événements au moins est chargé d’une telle intensité que l’on est tenté de le considérer comme l’événement méditerranéen, déterminant d’une étape caractérisée de l’histoire contemporaine du bassin, je veux parler du décès du premier président palestinien, Yasser Arafat.
L’on est pourtant tenté d’évoquer plusieurs autres événements à dimensions importantes, les unes spécifiquement méditerranéennes, les autres internationales mais non sans incidence sur la vie du bassin.
Le terrorisme frappe encore en Méditerranée et pour s’y opposer, il importe de coordonner une politique méditerranéenne spécifique qui ne se confonde pas nécessairement avec la politique internationale en la matière, même si elle relève du même principe et des mêmes convictions.
Le problème de l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne semble poser certains problèmes pour les pays de l’Union ; encore faut-il savoir si la Turquie entend revendiquer son « européanité » pour consolider sa méditerranéité ou pour pallier le manque à gagner d’une histoire qui, à l’avoir excessivement orientalisée, la priverait des avantages d’une modernité totalement coulée dans le moule occidental.
Juste à côté, c’est les Jeux Olympiques qui, dans leur 28ième édition reviennent au bercail, là où ils eurent lieu pour la première fois en 1896. Ce retour est d’autant plus heureux que l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté, en novembre de cette même année 2004, la proposition tunisienne initiée par le président Zine El Abidine Ben Ali de faire de 2005 « l’année internationale du sport et de l’éducation physique », faisant valoir ainsi le droit de chacun à l’activité physique et le rôle du sport dans la consolidation des valeurs et des principes d’éducation, de santé, de développement et de paix.
A propos de Tunisie, n’oublions pas qu’elle a connu une année glorieuse qui l’a vue remporter la Coupe d’Afrique des Nations pour la première fois de son histoire, une coupe qu’elle a honorablement organisée avant l’épreuve de la Coupe du Monde de Hand-Ball qu’elle organise au début de 2005. La Tunisie a par ailleurs réalisé un coup de force extraordinaire lors de son organisation du Sommet des Etats Arabes, un sommet qui a dû être reporté par le président tunisien et président du sommet et qui eut quand même lieu dans le même pays deux mois plus tard, après que l’ensemble des pays arabes ont saisi l’importance de l’étape de Tunis pour un nouvel élan de la structure panarabe vers le renouveau et la modernité. Sur un autre plan, la Tunisie a aussi confirmé son engagement à concrétiser et à réussir sa politique de démocratisation et de pluralisme grâce à des élections qui ont été bien gérées, de l’avis des nombreux observateurs étrangers, et qui ont été remportées par le président Ben Ali et son parti avec un pourcentage largement réconfortant.
Mais la Tunisie a perdu l’une des figures de proue de son histoire du XX° siècle, Mahmoud El Messaadi qui s’est fait valoir tant par sa production littéraire que par son engagement politique. En effet, ce virtuose de la littérature arabe contemporaine et parfait bilingue a réussi mieux que quiconque, dans l’ensemble de ses écrits mais particulièrement dans un ouvrage fondateur considéré comme premier dans les deux sens du terme, en l’occurrence « Haddatha Abu Houraïra Qal » (Ainsi parlait Abu Houraïra), la synthèse essentielle des expériences existentielles vécues par l’homme en général, le créateur en particulier, dans les cultures arabe, occidentale et méditerranéenne : des Grecs antiques à Shakespeare et aux existentialistes contemporains, dans un moule de l’Arabie de l’aube de l’Islam, traversant à la fois les quatrième et cinquième siècles arabo-musulmans pour retrouver le fond ontologique des expériences de Taoufik El Hakim, de Chebbi, de Jabrane, Ilya Abu Madhi et consorts. Le tout dans un style dont on ne saurait conclure si c’est une imitation ou une parodie du Coran. En plus de cela, Messaadi a su, par sa vie même, dénigrer tout engagement littéraire qui ne se conçoive qu’en dehors de la sphère de l’action socio-politique, voire politiquement politicienne. Ainsi, il a retrouvé le Cénacle de ces grands qui ont pour noms : Chateaubriand, Lamartine, Hugo, Giraudoux, Saint-John Perse, Malraux, Neruda, Stétié et tous les autres.
Il reste que la mort qui a été la plus intensément vécue en Méditerranée et ailleurs, c’est incontestablement la mort de Yasser Arafat, président de l’autorité palestinienne et symbole consacré de la lutte de son peuple pour la libération de son pays. En effet, Yasser Arafat a livré sa dernière bataille à l’aube d’un certain jeudi 11 novembre 2004, heure GMT, ou aux dernières minutes d’un mercredi 10 novembre dans d’autres lieux de la planète. Sans doute y a-t-il là un symbole, celui d’une mort qui est certes la fin d’une étape, mais qui est aussi le commencement d’une autre fondamentalement liée à la première.
Pour certains, la mort de Y. Arafat est une délivrance, d’abord la sienne propre, d’une situation de cul de sac dans laquelle il s’était retrouvé lui, le dépositaire d’une cause qui est celle de tout un peuple ; peut-être aussi la délivrance d’un groupe de militants et de dirigeants ayant les yeux qui louchent et les cœurs qui battent du côté de la succession, sans doute moins dans la logique d’un quelconque intérêt personnel qu’à la faveur d’une nouvelle vision de la conduite de la lutte pour la libération de la Palestine ; en tout cas, c’est forcément la délivrance pour certains pouvoirs qui ont voulu placer dans la personne de Arafat tous les obstacles au processus de paix dans le Moyen-Orient.
Pour d’autres gens, la mort de l’homme qui a incarné l’histoire du militantisme palestinien et qui est le premier chef de l’autorité palestinienne a le goût d’une frustration devant le destin d’un militant qui a voué toute sa vie à la cause de son peuple et qui est parti sans l’ultime et peut-être le seul espoir qui l’ait animé, celui de prier à Al-Qods libéré et reconnu capitale de l’Etat de Palestine. Car à la fin, cet homme n’aura même pas eu la faveur de se faire inhumer dans la ville chérie, conformément à ses dernières volontés, alors qu’on l’aurait volontiers imaginé y entrer vainqueur, après l’exil ou la prison, comme dans leurs pays respectifs, De Gaulle ou Bourguiba, ou comme Nelson Mandela.
En tout état de fait, il en sera de la mémoire d’Arafat ce que l’Histoire en fera, mais nul ne saura lui enlever la lumière et les valeurs suprêmes qui ont pu y rayonner le temps de la vie d’un homme pour l’édification de tous les hommes. On l’a vu, Arafat mort a fini par soutirer même à ses pires ennemis, en tout cas à ses virulents adversaires, la reconnaissance de qualités indiscutables chez un militant et un dirigeant hors pair. L’on ose espérer que tous ceux qui, dans un moment de compassion tel que seule la mort peut donner, ont reconnu la dimension de cet homme et l’importance de sa cause, puissent aujourd’hui continuer dans le sens et dans l’esprit qui favorisent la lutte pour les justes causes et les nobles objectifs.
Il est vrai qu’à un certain moment, la mort de Y. Arafat a suspendu l’avenir de la cause palestinienne à un doute portant sur la succession, aux aléas et aux déboires de cette dernière, car la croyance était que les divergences de méthode ou d’idéologie allaient pousser les composantes de la lutte palestinienne à s’entre-déchirer dans une course vers le pouvoir qui pourrait piétiner l’objet et l’objectif essentiels de la lutte.
Heureusement, le peuple palestinien, à l’image d’autres peuples du sud de la Méditerranée, a pu assurer dans une période critique la transition qui évite le pire et construit pour le meilleur. Puis, il a inauguré l’année 2005 par des élections présidentielles démocratiques qui l’honorent et qui démentent toutes les spéculations mal intentionnées cherchant à mettre en cause sa maîtrise des institutions d’un Etat moderne. Cette clairvoyance et cette maturité, cette prestance et cette sérénité du peuple palestinien sont une autre preuve de la compétence des peuples méditerranéens à gérer les crises en toute rationalité. Que parfois certains hommes dérogent à la règle, fussent-ils au plus haut de l’échelle du pouvoir, ce ne peut être qu’exceptionnel et de durée et d’influence fort limitées dans le déroulement des choses.
Reste que l’homme de la succession, Abu Mazzen, élu avec un pourcentage rassurant et accueilli favorablement comme l’homme de la nouvelle étape, n’aura pas la tâche facile malgré tous les soutiens et toutes les félicitations qui lui sont tombés sur la tête comme autant d’engagements contraignants et restrictifs.
Il importe à ce propos de souligner tout de même, dans la maladie et la mort de Y. Arafat, le rôle fort honorable joué par la France dont on a pu dire parfois qu’elle avait tourné le dos à la Méditerranée. Puisse-t-elle maintenir le cap sur cette alliance et cette appartenance salutaire pour la région et la seule peut-être qui puisse valoir et faire reconnaître à ce pays le statut auquel il semble tenir et l’apport qu’il lui appartient d’ajouter à une stratégie méditerranéenne coordonnée et efficace en vue d’un monde d’équilibre et d’équité.
Mais pour finir, comment ne pas évoquer la catastrophe naturelle du 26 décembre 2004 et ce raz de marée de la mort et de la destruction, qui a fait plus de 150 000 décès, sans parler des autres dégâts. Un tel événement est méditerranéen aussi, non seulement parce que l’une de ses conséquences est, semble-t-il, la montée du niveau de l’eau du bassin ou parce que les spéculations sur une prochaine catastrophe similaire en Méditerranée reviennent à l’ordre du jour des médias et des sismologues, mais parce que cette catastrophe a pour un temps suscité une dynamique de solidarité étonnante. Pourtant, la politique de solidarité est depuis plusieurs années une revendication méditerranéenne et l’on se demande quand le monde mettra en marche le Fonds Mondial de Solidarité adopté par les Nations Unies, encore une fois sur une proposition tunisienne.
Hélas ! on nous dit que déjà dans ces contrées sinistrées certains conflits reprennent, et l’on a bien peur que la course à leur manipulation et à leur exploitation ne laisse sommeiller les initiatives les plus humaines et les valeurs les plus salutaires.
En tout cas, pour ce qui concerne cette mer centrale, cette mer médiane qu’est la nôtre, l’année 2005 est finalement déclarée « Année de la Méditerranée » par la Conférence euro-méditerranéenne des ministres des affaires étrangères, suite à une proposition tunisienne qui date de l’an 2000. Puisse cette année réussir les objectifs pour lesquels elle a été proposée, puis décidée, et contribuer notamment à esquisser les principaux traits éthiques d’un monde futur et d’une nouvelle humanité !
Ref. : M. M’henni, Thétis 5-6, 2004, pp. 3-6.