L’Association pour la Culture et les Arts Méditerranéens informe les intéressés qu’elle organise la Deuxième édition des Journées Tahar Chériaa pour l’Image et le Livre (JIL-T@C 2) du 26 au 30 avril 2023 entre les trois villes de Moknine, Monastir et Sayada et qu’elle inscrit cette édition dans le cadre et sous le titre de la fête du Centenaire du cinéma tunisien. Au programme un colloque (26-28) ayant pour titre « Les JCC, un projet plus grand que le cinéma » ; des projections de films à discuter en présence de leurs réalisateurs ou d’un spécialiste ; des soirées culturelles (Musique et poésie) ; un séminaire de formation à l’écriture du scénario ; une compétition d’écriture et des projections pour enfants (29 et 30 avril) ; une exposition du patrimoine Tahar Chériaa. Elle décerne aussi un Prix du Film bref en vidéo (10 mn maximum) autour du thème « La Mer et l’amitié », destiné aux jeunes de moins de 25 ans.
Ceux qui sont intéressés par une participation à cet événement sont invités à écrire au comité d’organisation sur l’adresse électronique : thetisacam97@gmail.com et ce avant le 25 mars 2023.
Les participants au Prix du microfilm vidéo sur « La Mer à l’amitié » sont invités à envoyer une copie électronique (en You Tube), à la même adresse, avant le 15 avril 2023.
Pour les projets de communication dans le colloque de l’édition, en voici l’argument :
Les JCC un projet plus grand que le cinéma
Les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) ne se voulaient pas un simple projet de la cinématographie et de la cinéphilie, même si elles le sont d’abord et surtout. Un arrière-fond intellectuel et une conscience culturelle voulaient en faire une dynamique à plus large étendue et à grande influence sur la vision sociétale et sur l’intelligence civilisationnelle. C’est ce qui a fait dire à ses fondateurs que le cinéma des pays anciennement catalogués de pays du tiers-monde « sera militant, sera d’abord un acte culturel, aura d’abord une valeur sociale et politique… ou il ne sera rien ».
Il est certes légitime de s’interroger sur la pertinence d’une telle caractérisation à un moment où la mondialisation est envahissante et impérieuse dans ses différentes manifestations, alors qu’à sa naissance, le festival se voulait une forme de résistance à ce qui avait tout l’air d’une nouvelle forme d’exploitation économique. Mais il est tout aussi légitime de se demander si le cinéma du Sud est mieux portant aujourd’hui qu’à la naissance des JCC et si l’économie et la cinématographie mondiales lui offrent d’égales chances de développement et de rayonnement. C’est là qu’on sent la dimension profondément militante des JCC de par leur vision débordant les limites sectorielles pour considérer les différentes implications et les interactions variées de tous les domaines de la vie humaine, la politique, la société, l’économie, la culture, l’histoire, les technologies, autant de domaines dans lesquels et pour lesquels le cinéma pense et agit, à travers ses œuvres artistiques, ses échanges culturels et son hospitalité humaniste.
On se souvient sans doute que les JCC étaient nées comme un acte militant dans l’esprit même ayant présidé à l’action des ciné-clubs et de leur fédération et qu’elles débordaient l’engagement d’une personne, aussi méritoire que fût son initiative. Elles étaient « le produit de volontés conjuguées, partant d’une analyse correcte et menant solidairement une action de groupe – ou d’équipe – en vue d’objectifs partagés, ressentis collectivement comme un acte nécessaire et d’utilité publique ».
Aujourd’hui, soixante-six ans après l’instant fondateur, il serait bon de repenser ce grand projet en rapport à ses valeurs de base et à l’épreuve des conditions nationales et internationales de son cheminement. Repenser les JCC, de ce point de vue, c’est certes le faire en relation avec les problèmes de la cinématographie en tant que machine technique et économique et en tant que secteur artistique et culturel ; mais c’est aussi, de par leur esprit spécifique, chercher à y retrouver ou à y refonder une vision civilisationnelle à la hauteur des défis du monde moderne ainsi que de ses heurts et bonheurs, de ses déboires et ses espoirs. Tout cela en essayant de ne pas se départir de l’objectif inaliénable de cette manifestation, celui d’« œuvrer solidairement […] pour un cinéma du respect – et non du mépris – de l’homme ».
Repenser les JCC, ne consiste pas, en effet, à assujettir l’action de la nouvelle vision à certains critères du passé, aujourd’hui dépassés par l’évolution des choses et des interactions plurisectorielles. Mais l’idée initiale de « miser sur un “cinéma d’Etat” » reste toujours d’actualité pour ce qui la légitimerait sous conditions et ce qui la rendrait discutable pour des risques encourus, surtout en matière d’exploitation politique ou de limitation de la liberté d’expression. D’autres points aussi importants seraient d’actualité, ceux remettant sur la table de discussion les relations internationales et les enjeux géostratégiques qui n’hésitent pas à instrumentaliser le cinéma et ses prolongements audio-visuels dans des combats divers.
Ces questions épineuses ne sauraient éluder les questions esthétiques et celles plus largement culturelles et de tout croiser dans le pari civilisationnel qu’une manifestation comme les JCC est à même de relever en tant que défi des tensions permanentes et éprouvantes du monde moderne.
De là, nous semble-t-il, l’intérêt de ce panel qui se voudrait comme un échange d’avis divers et interactifs, à même d’enrichir notre rapport au secteur dans une vision démocratiquement cohérente de la société nationale et de la communauté internationale.
Il est possible, de ce point de vue, d’envisager le panel autour de trois pistes centrales présentées sous forme d’une communication suivie d’une discussion et de clore l’ensemble par une conversation ouverte sur l’ensemble du propos pour aboutir un rapport de synthèse. Les trois questions principales pourraient tourner autour des problématiques suivantes :
¤ Repenser les fondamentaux des JCC dans le sens d’une réinscription de leur action dans la logique de la gestion démocratique des rapports nationaux et internationaux entre l’art cinématographique, la culture et la vision civilisationnelle d’un nouvel humanisme à la mesure du monde moderne, de ses défis et de ses espoirs.
¤ Repenser l’équilibre à trouver entre la machine économique et la vie artistique, de par les retombées que cela aurait sur la vie culturelle où le cinéma jouerait un rôle de fédérateur et de promoteur des autres arts.
¤ Interroger les objectifs sectoriels et le rôle sociétal de la cinématographie dans la résurgence et la montée actuelles et les risques encourus par l’effet de tendances ségrégationnistes et séparatistes et de démagogies sectaires et réactionnaires.