Sur la demande de plusieurs amis de le revue Thétis, nous procédons à une tentative de regroupement de tous les textes publiés dans la revue, en vue de leur diffusion électronique. L’opération étant longue et mobilisatrice, nous mettons donc en ligne les articles disponibles de chaque volume publié et nous actualiseront le contenu en fonction de l’évolution de la collecte.
Pour tout besoin de référence, une photocopie de l’article peut être fournie par l’association éditrice, l’ACAM (thetisacam97@gmail.com ).
Ici, c’est le sommaire et d’édito de la partie française du numéro double 7-8 de l’année 2005 (2 semestres), ainsi que les articles disponibles par voie électronique (sur fichier PDF):
Thétis / N° double 7-8 : ECRIRE LA MEDITERRANEE
(1er semestre & 2ème semestre 2005)
Partie française
SOMMAIRE
+ Edito : Une année de la Méditerranée !? (Mansour M’henni) – 3
+ La Méditerranée : nombril de la terre (Hafedh Djedidi) – 5
+ L’Espace entre « moi » et « émoi » (Sonia Zlitni-Fitouri) – 9
+ Vivre entre des cultures différentes (Joe Friggieri ) – 13
+ Arabisation, mondialisation et langue amazighe (Mohammed Serhoual) – 17
+ L’enseignement du violon entre les deux rives de la Méditerranée (Mami Mihaela) – 29
+ Nice Tunis Alexandrie, la Méditerranée de Patrick Modiano, Passager des deux rives (Annie Demeyere) – 35
+ De l’Arcadie de Théocrite au mont Ventoux de Pétrarque : la place de la Méditerranée dans la découverte du paysage en Occident (Françoise Chenet) – 41
+ L’errance comme élément intertextuel chez Abdelkébir Khatibi dans Pélerinage d’un artiste amoureux (Alaeddine Ben Abdallah) – 49
+ La Tunisie, entre ombres et lumières (Margarita Garcia Casado) – 55
+ A la recherche de soi-même et des autres : les « je » et enjeux de l’écriture (Ilda Tomas) – 63
+ Quelques notes autour d’un cri (Maha Ben Abdelhamed) – 69
+ Les nouvelles exigences de la gestion du service public de la santé : la gestion par objectifs (Abdelmajid Krifa) – 73
ARTS ET PATRIMOINE
+ Coquelicot et émotionalité (Jamila Arous) – 81
+ Broderie et bijouterie traditionnelles de Moknine (Hayet Guetat) – 93
Une année de la Méditerranée !?
Mansour M’HENNI
“Après une décennie de partenariat, force est de constater que les efforts fournis de part et d’autre de la Méditerranée n’ont pas toujours répondu à nos attentes. Notre région continue à faire face à de nombreux défis que nous devons relever ensemble. Nous devons de ce fait faire preuve d’une volonté politique accrue pour développer des réponses communes qui sont nécessaires à l’établissement d’une zone de paix, de stabilité et de prospérité dans la région méditerranéenne.”
Tels sont les propos de M. Jean Asselborn, Ministre luxembourgeois des affaires étrangères et de l’immigration, dans son discours de présidence du Conseil de l’Union Européenne 2005, à la 7ème conférence ministérielle euro-méditerranéenne (mai 2005). Cette conférence et la réunion extraordinaire de haut niveau, à Barcelone en novembre 2005, sont considérées comme les événements majeurs de cette année 2005, “Année de la Méditerranée” décidée par le Ministère des Affaires Etrangères de l’Union Européenne, pour commémorer les 10 ans du “processus de Barcelone”.
On s’en souvient sans doute, la conférence ministérielle euro-méditerranéenne qui s’est tenue en Crète (Grèce) en mai 2003, a adopté l’initiative tunisienne concernant l’organisation de la manifestation ” l’année de la Méditerranée “, une initiative que la Tunisie avait lancée dans le cadre du forum méditerranéen, depuis l’année 2000 en vue de promouvoir surtout et de mettre en valeur le riche patrimoine culturel et civilisationnel que recèle la Méditerranée.
Que l’on retienne 2005 comme “Année de la Méditerranée” et que la proposition du forum méditerranéen devienne une décision du Ministère des Affaires Etrangères de l’Union Européenne laissent un arrière-goût de récupération de l’initiative en faveur du seul partenariat euro-méditerranéen, indépendamment de toute dynamique de la seule méditerranéité. Dès lors, l’année de la méditerranée devient un simple acte de commémoration de la Déclaration de Barcelone et non une manifestation de promotion du concept de méditerranéité à partir de la mise en valeur d’un patrimoine culturel et civilisationnel commun aux pays du bassin.
Par ailleurs, même dans le cadre spécifique du partenariat euro-méditerranéen, la part de l’action culturelle est restée au second plan et l’on retiendra essentiellement la création à Alexandrie de la Fondation Anna Lindh de dialogue entre les cultures dont il est encore trop tôt de juger le programme et d’apprécier la portée.
Il faut alors souligner que personne ne doute de la priorité absolue de l’économique et du sécuritaire dans ce partenariat ; mais ce qu’il importe de souligner tout autant, c’est que nul objectif, et encore moins les objectifs de ces ordres-là, ne saurait réussir sans un investissement conséquent et une implication responsable dans l’action culturelle la plus large et, parfois, la moins apparemment utile pour ces objectifs. En effet, c’est le partage des sensibilités et les échanges culturels qui, par la consécration des différences non séparatistes et de l’unité dans la complémentarité, peuvent mobiliser les citoyens – car ce sont eux la clé de l’affaire – en faveur de tout partenariat.
D’un autre côté, le partenariat euro-méditerranéen ne doit pas chercher à se substituer à l’identité méditerranéenne, il doit plutôt se concevoir comme un élargissement possible de cette entité objective dans le sens de la complémentarité égalitaire sur la base de la proximité. Car la méditerranéité est seule capable de sauver le partenariat euro-méditerranéen et, en tant que maillon fondamental dans la pédagogie des regroupements régionaux, cette méditerranéité doit prendre le temps de s’ancrer dans les esprits et dans les cœurs, dans les réflexes géostratégiques et dans les comportements éthiques, dans la pensée mythique et dans la conscience réaliste.
Faut-il rappeler que cette méditerranéité cherche elle-même le moyen de consolider sa construction par des regroupements régionaux, de moindres dimensions certes mais profitant de conditions objectives plus favorables. Ainsi l’Union du Maghreb Arabe ; ainsi le Groupe du Bassin Occidental de la Méditerranée (5+5), etc. Ainsi, il est certain que dans un monde globalisé, les pays méditerranéens ont tout intérêt à concevoir leurs stratégies dans le cadre d’un partenariat euro-méditerranéen. Il faut cependant prendre garde à toute tendance exclusive de ce partenariat et à tout dérapage discriminatoire qui prendrait appui sur son statut privilégié.
Que l’on ne s’y trompe pourtant pas : le plaidoyer pour la Méditerranéité n’est nullement à prendre comme un mouvement centripète de cloisonnement géographique ou culturel. Il est au contraire un niveau d’identification plus large que l’identification nationale ou territoriale, confortant celle-ci et lui donnant une propulsion vers l’altérité conçue comme l’autre face de la « mêmeté ». Ainsi, d’un niveau à un autre plus étendu, le citoyen peut s’accommoder d’un va-et-vient heureux et non conflictuel entre l’identité spécifique et l’identification à l’universel humain.
Il y a tout lieu de croire que la seconde étape du Sommet Mondial sur la Société de l’Information est à ce titre un exemple édifiant. En effet, la Tunisie, qui est à l’origine de l’initiative d’une Année de la Méditerranéité, est elle-même à l’origine de la proposition de ce sommet et l’hôte de sa seconde phase (novembre 2005). C’est dire que ce pays, pleinement enraciné dans son identité propre, a toujours su s’accommoder de toutes les ouvertures qui permettent la coopération et la complémentarité et qui œuvrent pour la paix et la solidarité, en priorité à des échelles régionales de plus en plus étendues, mais parallèlement dans la perspective d’un monde paisible et solidaire où l’intérêt de l’être humain, où qu’il soit et qui qu’il soit, prime sur tout autre intérêt.
Que la vision du monde soit arithmétique ou humaniste, le postulat de départ est toujours que “tout le monde a besoin de tout le monde”. Mais quand chacun sert l’autre, cela s’appelle “la solidarité” ; quand quelqu’un se sert de l’autre, cela s’appelle “l’exploitation”. Dans la vie comme dans la langue, il n’y a qu’une petite particule qui sépare les deux façons d’être et de faire. Mais le destin du monde ne s’est-il pas souvent joué sur un petit détail ?